27 déc. 2012

Dans la rue... St-Zotique, Montréal

29 octobre 2012


« Il a essayé d’aimer ». C’est l’épitaphe que l’abbé Pierre aurait voulu qu’on grave sur sa tombe. C’était dans le reportage qu'elles ont vu l’autre dimanche. « Tu crois qu’ils vont respecter ses dernières volontés? », chuchote sa mère.

Elle n'a gardé, de la Pologne de sa mère, que des cheveux très noirs, de vagues souvenirs d’enfance, et des histoires d’exodes qu’on pourrait croire sortis tout droit de livres de contes, mais qui sont vrais. C’est dans cet entre-deux que s’est toujours rangée cette enfant d’immigrés, entre deux langues, entre deux continents, entre une culture qu’elle ne connaît qu’en récit, et une autre qui l’encercle sans vraiment l’inclure.

Elle pousse sa mère jusqu’à la première rangée de sièges en décochant un bref coup d’œil à un homme en costume prêt à repartir. Parfois, elle se demande ce que les autres se murmurent dans cette salle, s’ils parlent comme on allume un téléviseur, pour passer le temps. Ou si la pièce a la charge spirituelle des salles de prière de son enfance, et si l’on se confesse à hauteur d’homme dans ce pays, au lieu de s’adresser à Dieu. Elle se tourne vers sa mère, monument vivant de toutes les traditions et valeurs de son peuple, qui exhale un soupire et revient pour la énième fois de la journée sur son abbé. Elle n’en démord pas, depuis ce reportage, même la disparition de leur pape ne l’a pas autant préoccupée. 

Elle, au contraire, la mort du pape, à l'époque, elle l’avait reçu comme une blague, une sacrée blague, glousse-t-elle en faisant un discret signe de croix, que Dieu avait voulu jouer à tous les fanatiques en faisant mourir le pape un premier avril. Les cardinaux dénués de tout sens de l’humour avaient d’ailleurs tronqué ce message divin en attendant le deux pour annoncer la triste nouvelle. Ils n’avaient pas compris que la religion aussi devait être légère et par leur faute un homme de plus était mort pour rien.

Elle l’avoue, elle n’a pas la ferveur de ses aïeuls, mais elle y croit, oui, elle croit en dieu. Du moins s’efforce-t-elle d’y croire comme il se doit. Alors, depuis dimanche, elle aussi est troublée, non pas de cette mort, mais de ce que cet homme généreux aurait révélé au soir de sa vie, déclarant qu’il attendait la mort comme « une impatience », c’est ce qu’elle a lu dans les journaux. « La mort, c’est la sortie de l’ombre. J’en ai envie. Toute ma vie, j’ai souhaité mourir ». Elle aimerait demander à sa mère ce que ces mots signifient. Car, pour elle, c’est une brèche qui se creuse dans sa vision du monde, l’aveu in extremis et déguisé du désespoir spirituel d’un homme qui a pourtant sacrifié sa vie entière à l’amour des autres. Au fond, se demande-t-elle, et cette question lui fait mal, ne faut-il pas avoir totalement cessé de croire pour devenir vraiment bon? 

1 commentaire:

  1. très beau texte miss.. j'aurai dit plutot cesser d'espérer .. mais bon je sais pas.. S.

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