25 avr. 2013

Dans la rue... Esplanade, Montréal

19 octobre 2011

Les rangées qui se remplissent par les extrémités. L'odeur insistante de beurre du pop corn. Un générique sans musique, rien, qu'un fond noir et des lettres blanches. Le malaise des gorges qui raclent le silence. Le lissé des phrases d'Haneke. La beauté de leur amour. Les gens qui rient quand ce n'est pas drôle. Les gens qui continuent de vider leur sac, et ça fait gritchi-gritchi, la main qui reprend une poignée de maïs, et scrouac-scrouac-scrouac, sous la dent. Les sièges qui claquent et se vident au fil des minutes. Les phrases du quotidien qui m'émeuvent.

«- Je n'ai pas envie d'aller à cet enterrement.
- Personne n'en a envie.
- Si, Sylvie, pour montrer sa nouvelle robe. Pourquoi les gens viennent-ils aux enterrements?
- J'aimerais bien savoir ce que tu dirais s'il n'y avait personne au tien.
- Probablement rien.»

Le mec à côté de moi qui texte ses amis. Et regarde l'heure toutes les 30 secondes. «Tu es un monstre, mais tu es gentil», dit par elle en lui servant un oeuf pour le petit-déjeuner. Le mec à côté de moi tape du pied et souffle fort comme si on allait finir par changer le film juste pour lui. La force de leur amour. Sa dévotion. Et, encore plus que sa dévotion, l'admiration intacte qu'il lui voue, alors que les autres regards sont ennemis parce qu'apitoyés. La question inévitable: le ferait-il pour moi? le ferais-je pour lui? Les échanges sont réduits à des sons et des gestes, et je ne m'en rends pas compte.

Je pleure déjà depuis 30 minutes. Les gens qui m'accompagnent se lèvent et sortent. Je résiste et reste assise jusqu'à la dernière seconde du générique de fin. Je n'ai pas envie d'aller manger un hamburger en décortiquant gauchement le film. Dire j'ai aimé, j'ai pas aimé, elle joue bien, ah c'était long. J'ai envie d'allumer mon ipod et de prendre le bus, et de m'asseoir dos à la route pour regarder la rue s'échapper derrière moi comme si c'était mon passé (ça l'est en fait). Je me sens impolie. Je me frappe un peu. C'est mal, je me dis. On te rappellera plus. Tu ne suis pas le protocole social, tu ne sais pas faire comme tout le monde, tu ne peux même pas partager ton opinion autour d'un verre en sortant d'un film. Je me dis aussi: tu ne sais pas être légère, tu ne sais pas être drôle, tu vois toujours les choses en gris, tu es d'une très mauvaise compagnie, tu râles «il pleut encore, il neige encore, j'en ai marre de cette ville», tu dis qu'à Montréal il n'y a pas d'horizon. Et quand on sort de la ville, après des heures de banlieue, on tombe dans la forêt et on ne voit pas plus loin.
 Je me dis que je devrais sourire et faire des blagues, que je ne pense qu'à moi, mais je prends le bus toute seule. Et je suis tellement bien toute seule dans ce bus que la culpabilité glisse et je décide de prendre des sushis et de rentrer directement à la maison, m'asseoir à la table de la cuisine, allumer la radio et commencer le roman que je viens d'acheter. 
Je baigne dans le bonheur.

D 899 Op. 90, Impromptu No. 1 in C minor - Allegro molto moderato by Franz Schubert on Grooveshark

22 avr. 2013

Dans la rue... Esplanade, Montréal

10 juin 2012

J’aime pas…
1. La juxtaposition du vert et du rouge 2. Le petit salé aux lentilles 3. Le mot « croûte » et ses dérivés (casse-croûte, choucroute...)  4. L’odeur des autres dans leur chambre 5. La frustration 6. L’autorité avec laquelle le médecin nous demande de nous asseoir 7. Les romans de Sartre 8. Le gras de la côte d’agneau 9. La lumière artificielle des musées 10. La présence silencieuse de l'autre 

J'aime... 1. Les lampions chinois jaunis par les années 2. Le bruit sourd de la circulation routière à travers la fenêtre  3. Les collections 4. Qu'on trouve des ressemblances avec Sophie Calle 5. Les parapluies qui se retournent les jours de tempête.

J'aime pas... 11. Se réveiller et se rappeler que ce n'était pas un mauvais rêve 12. Ceux qui n’aiment pas les gens en retard 13. Me battre pour une idée fixe 14. Les bruits de mastication et de déglutition 15. La mort d’une plante d’appartement 16.Une lunette de toilettes encore tiède 17. Le 17e arrondissement de Paris 18. Les aéroports 19. Philippe Sollers  20. Avoir le bas du pantalon mouillé 

J'aime... 6. L’odeur du pain 7. Les mots étrangers qu'une autre langue absorbe et prononce avec son propre accent («a wendez-fou » 8 Le rire des Japonaises 9. Le minute d'après la fin d'un grand nettoyage 10. L'odeur de la peau au soleil 

J'aime pas... 21. La démission  22. Le plat no 31 des restaurants chinois 23. Les cancers 24. Les chaussures à semelle compensée 25. La culpabilité qui nous étreint parfois quand on dit merci 26. Les –ismes 27. Les choses faussement sérieuses, comme un diplôme ou un objet de valeur 28. Michel Sardou 29. Le bruit des tasses en grès qu'on racle 30. Le vent

J'aime... 11. Amour d'Haneke 12. Les voyages en train 13. Prendre un bain 14. Le rhum El Dorado 15. Les moments d'espoir dans Voyage au bout de la nuit

J'aime pas... 31. Les porte-manteaux 32. L’humiliation et la honte 33. Acquiescer par paresse ou par influence 33. Les journées pleines de micro-événements emboités les uns dans les autres 34. Le contact des vêtements cheap  35. Partager son lit avec un inconnu. 36. Les rêves qu'on ne peut pas analyser. 37. Les photos de coucher de soleil 38. Les rouleaux de papier-toilettes vides. 39. Les arrière-pensées des autres 40. Les gens qui ne tiennent pas la porte au suivant 

J'aime... 16. Les rideaux en velours rouge 17. Les îles 18. Dessiner des visages 19. Les chansons tristes 20. La coexistence d'émotions paradoxales 

J'aime pas... 41. Les maisons trop bien rangées 42. Les aménagements statiques 43. N'avoir plus rien à dire 44. Avoir le ventre qui gargouille 45. Attendre. 46. Les récits de vie qui commencent par «j'ai toujours été» ou «Enfant déjà, mes parents trouvaient que»  47. La psycho-pop 48.  Les grésillements de la radio en voiture 49.  Les paysages sans horizon 50. La cannelle

J'aime... 21. L'illusion d'être relié à quelqu'un, inconditionnellement 22. Les sièges de voiture chauffants 23. Le reflet de ses yeux dans la lumière du printemps 24. Les hamburgers 25. Les histoires.

J'aime pas... 51. L'impression que le meilleur est derrière soi