20 déc. 2011

Dans la rue... Jean-Baptiste Dumay, Paris

17 novembre 2011

Surveiller. Veiller trop, avec excès, et avec autorité. Dans les journaux, sur les forums. Puis, sur place, auprès des journalistes, des employés d'hôtel. Surveiller le visage d'un autre fan, à l'affut d'une expression qui révèle la potentialité d'une rencontre avec la star. Suivre celui qui, soudainement, devient serein, en retrait déjà, sourit maladroitement, essayant de garder la nouvelle pour lui en s'extrayant de la masse, reculant doucement, et bondissant dans sa voiture, oui, pour être le premier sur les lieux, mais pas le seul, parce que ça n'aurait plus d'intérêt, et que nous fonctionnons comme les rouages d'une grosse machine ; interdépendants. Le quotidien consistait à veiller et attendre, puis bondir, juste au bon moment, dans cette vie qui seule en valait la peine, et elle seule existait.

L'espoir de... le voir chanter... être du bon côté, dans la bonne rue, la bonne voiture pour l'intercepter avant qu'il arrive dans le bon hôtel... l'apercevoir derrière la fenêtre de l'hôtel, derrière la vitre de sa voiture quittant l'hôtel au matin... l'entendre prononcer notre nom après des heures, compressés, furieux de défendre notre place, trempés, dans la file d'attente d'une séance de signatures... de l'entendre pour de vrai, avec sa vraie voix, celle qu'il n'avait peut-être révélée qu'à un amour de jeunesse, depuis longtemps parti, lassé des exubérances, incohérences, caprices, infirmités de la star - mais s'en rappelait-il encore, lui, de cette voix? L'entendre et le toucher, effleurer un bout de sa manche, s'approcher toujours plus prêt, entrer chez lui, essayer ses costumes, pouvoir l'appeler, n'en révéler que des bribes aux autres, rester un élément de la machine.

Demeurer dans ses coulisses. Devenir ses coulisses, s'y fondre. Tout savoir, tout compiler, gérer les assauts des pulsions, retenir, défendre, le rassurer contre les voix qui tonnent, la presse people, le père, les anciens amis, filtrer ses souvenirs pour qu'il n'en prenne pas plus qu'il n'en supporte, avoir l'impression que c'est un peu de nous qu'ils parlent quand ils parlent de lui. Et puis mourir avec lui.

Ce jour-là, tout le monde avant moi avait lu les journaux. On m'a appelé. On est venu sonner à ma porte. On voulait des entrevues pour la presse people. Ils disaient qu'il était malade. Ils disaient qu'il était malade. Ils disaient qu'il était malade. Puis ils n'ont plus dit ça.

J'ai bondi dans ma voiture; j'ai espéré avoir pris la bonne décision, la bonne direction, la bonne route. Devant le cimetière de Forrest Lawn, à Los Angeles, les autres m'attendaient. Les médias entassés autour de nous étaient secs d'infos comme le désert qui commençait presque à nos pas... Pendant la cérémonie d'adieu, au Stapple Center, à quelques mètres d'une famille contre laquelle on l'avait protégé, d'amis infidèles, on s'est sentis presque apaisés, parce qu'à nouveau convaincus de faire partie du rouage de cette grande machine qu'on prenait pour une famille. Puis ils sont montés sur la scène, et nous nous sommes répandus sur le sol en faisant le bruit triste et long, très long, de centaines de petites billes de plomb qui tombent et roulent de manière hérétique.

30 nov. 2011

Dans la rue... Jean-Baptiste Dumay, Paris

18 Novembre 2011









Bonjour Walter!

Il est deux heures du matin et je me suis installée à mon bureau pour t'écrire une lettre. Tu vas me dire que tu n'as même pas encore répondu à la précédente, mais j'ai fait un rêve très très étrange cette nuit, et tu sais comme j'aime les rêves, je trouve qu'ils sont comme des petites clés qu'il faut manipuler avec la plus grande délicatesse quand on se réveille parce qu'elles deviennent toutes molles et peuvent changer de forme et alors elles ne servent plus à rien, enfin bref. Ce rêve là, il était complètement différent - et je n'ai pas réussi à me rendormir après. 

Alors je me suis mise à penser à toi. Et c'était presque aussi étrange que mon rêve tu sais, je me disais que je me considérais un peu comme ta femme, même si tu en as déjà une - tu trouves ça débile, non? - et que la façon dont je pensais à toi à chaque fois que je t'écrivais ça ressemblait à la façon dont j'imaginais qu'on devait penser à son mari quand on lui écrit. Il ne m'en fallait pas plus, comme tu peux te l'imaginer, pour que je me demande si c'était possible d'être mariés plusieurs fois, à plusieurs hommes en même temps. Mais comprends-moi bien. Je ne te parle pas du tout de polygamie, non, non, non. Je ne suis pas en train d'imaginer qu'on puisse vraiment être mariés toi et moi, et encore moins vivre avec ta femme. Je pensais à quelque chose...  Bon, je m'explique. Par exemple, tu ne t'es jamais dit que, dans une autre dimension que celle dans laquelle je t'écris cette lettre, nous étions peut-être mariés, et avions même des enfants? Tu n'as jamais pensé au prénom de nos enfants? Dans quelle classe ils allaient faire leur rentrée cette année, et s'ils s'en sortaient bien? 

Tu sais ce que je pense? Quand j'écoute les gens qui m'entourent, j'ai l'impression qu'ils se persuadent que l'existence doit être complètement logique. Alors ils font comme si tout ce qu'ils avaient à l'intérieur coïncidait avec la logique extérieure. Et y a pas cinquante mille façons de le faire. Ils coupent. Ils coupent tout ce qui dépasse, Walter, tout ce qui ne rentre pas dans la logique de leur existence. Et ils deviennent possessifs et jaloux parce qu'ils ont très peur. Alors que ça ne peut pas mener sur d'autres chemins que celui de l'adultère ou la petite mort physique. Je ne sais pas si je suis claire, mais il est tard à présent et je voudrais avoir encore le temps de dormir quelques heures. 

Ah oui. Mon rêve. Je devais aller acheter des chaussettes dépareillées parce que je n'en avais plus. 
Je t'embrasse Walter, 
À bientôt.

6 nov. 2011

Dans la rue... Hutchison, Montréal

28 août 2011





Troubles de la vision

Il n'est pas nécessaire d'aller jusqu'à la prosopagnosie pour ne pas reconnaître les traits, les saillies, les teintes qui forment cet ensemble qu'il est coutume d'appeler visage. Ils se relayent si vite parfois, d'une semaine à l'autre, comme des lanternes en file indienne qui attendent leur tour pour maintenir le lieu habité  en lieu de vie.

Les visages qui défilent, et partent en laissant une allumette sur la table pour qu'on gratte les dépôts et les souvenirs consumés de leur passage. Une chanson qu'on bougonne avec humeur au saut du lit parce qu'elle avait pris la bonne habitude d'être reprise en écho depuis une autre pièce, et bute sur un silence. Un parfum protéiforme, amalgame de l'odeur incrustée de ceux qui sont passés par là, les fragrances organiques sur une écharpe oubliée, et l'odeur du tabac qui aime traînasser dans les pièces malgré le soin qu'il prenait à toujours fumer dehors - et s'est déposé aussi dans les cheveux qu'il encordait sous ses doigts en noeuds pleins de promesses qu'on sera bien incapables de tenir mais n'oubliera pas.

Un récipient de plastique sur la table du salon dans lequel on aura laissé les pièces inutiles, embarrassantes, parce que trop légères pour en faire des rouleaux dans lesquels on rassemble ses dernières forces et espoirs avant de les mettre en paquets de 10 dans ses poches. Un mot sur la table qu'on a pesé longuement pour qu'il ne soit pas le dernier, et n'a pas trouvé place dans ces poches. Des petites manies, si petites qu'on pourrait ne pas les remarquer, mais brodent elles-aussi une présence en creux.

Il n'est pas nécessaire d'aller jusqu'à la prosopagnosie pour confondre les visages et les identités, ne plus distinguer le sien de celui des autres, prendre une lanterne pour une étoile. Alors peut-on imaginer - voire représenter - la confusion d'un décor où l'incertitude dans laquelle nous plonge la prosopagnosie côtoierait les déformations qu'une vieille hypermétropie inflige en écrasant la trois dimension sur une surface plane?

28 oct. 2011

dans la rue... St-André, Montreal

13 août 2011



"Hier soir, j'ai rencontré Éric, mon ex."
Je relis la dernière phrase notée la veille sur mon carnet, le jette sur le lit, tire une lanière de cuir pour faire apparaître — oh magie! — un sac à main de sous une montagne de vêtements, enfile une chaussure — merde mes dents —, sautille sur un pied jusqu'à la salle de bains, retrouve ma seconde chaussure, remets tout dans le bon ordre, claque la porte et dévale la rue, la veste ouverte pour m’en servir de parachute en cas d’atterrissage forcé.

Hier soir, j'ai rencontré Éric, mon ex, et il ne m'est pas tombé dessus comme le christ sur le pauvre monde, cette fois, non, ils courraient vers moi, lui et son chien, et j'ai cru reconnaître Éric, de la même façon que je me disais, à l'époque où nous étions ensemble, que ce mec qui venait s'assoir à ma table dans le bar où nous avions rendez-vous, ça se pouvait très bien que ce soit Éric. Heureusement, le doute s'est plus vite dissipé cette fois. À l'époque, c'était comme si j'avais toujours besoin d'un prélude pour reconnaître son visage. Ou peut-être qu'il arrivait toujours aux rendez-vous avec le visage de quelqu'un d'autre.

Hier, j'ai dit "Bonjour Eric". "Ah", il a bondi et m'a regardée comme si j'étais quelqu'un de familier qu'il arrivait pas à replacer. Il sortait d'un lancement, et s'est entêté à me dresser une liste qui n'en finissait pas. La poitrine de poulet de la rotisserie Romados, le dernier Wim Wenders, les sushis deux-saumons... Je comprenais pas où il voulait en venir, mais je me sentais bien, pas du tout étrangère, au contraire, sous cette liste, je sentais qu'il y avait tout un monde qu'on partageait, et puis c'était un peu son flanc que je flattais pendant que je tapotais le flanc de son chien.

Un jour, il y a de ça quelques vies, je lui avais dit de prendre garde parce que je commençais à m'attacher à lui, et il m'avait répondu que c'était comme s'attacher au vieux chien moche qu'on finit par aimer à force de l'avoir dans les pattes. Je crois que j'étais tombée amoureuse de lui à cause de cette phrase.

Hier soir, sur le trottoir, moi, Chakpa, c'était impossible de lui avouer, mais je me suis scindée en deux dans une expérience totalement paranormale où j'étais bel et bien là, sous la pluie, à écouter Éric, mon ex, délirer sur la variété des plaisirs, et au même moment, dans un monde parrallèle dans lequel on était deux chiens affalés devant un feu de cheminée, épuisés d'une bonne ballade dans la neige, faisant sécher nos vieux poils, museau au sol, l'air gavé, pendant qu'une main nous grattait amoureusement l'échine.

8 oct. 2011

dans la rue... Boucher, Montreal


24 mai 2011






D’aussi loin qu’elle se souvienne, elle a toujours eu peur la nuit. Peur des formes indéfinies dans sa chambre. Peur des ronflements des voisins qu’elle prend pour des monstres en colère. Ses nuits sont un théâtre baroque qui rejoue, depuis l’enfance, la même scène. Seuls les personnages changent. Les premiers rêves dont elle se souvient sont peuplés d’animaux. Le plus fréquent : celui des ours qui tentent de glisser leur patte sous la porte de sa chambre. Elle préférerait des visages déformés, des fous qui la poursuivent, des couteaux, des rêves sans queue ni tête qu’on ne parvient pas à raconter une fois qu’on en sort. Mais elle rêve de scènes qui ne font peur qu’à elle.

Quelques années plus tard, ses tyrans prennent la forme nouvelle de têtes de bêtes suspendues à des cordes à linge devant la fenêtre de sa chambre. Matty étouffe des larmes d’angoisse pour ne pas réveiller sa mère.  Quand la nuit ne veut pas passer, elle laisse ses geignements s’amplifier jusqu’à ce qu’enfin les ronflements s’éteignent et qu’elle aperçoive une lumière qui s’éveille au fond du couloir. Vient alors l’épreuve de l’explication. Matty ne peut pas parler de son rêve qui menace quelque chose en elle qu’elle ne comprend pas. Elle invoque les yeux du monstre dans les ombres du rideau, l’animal qui frappe, frappe, frappe à son carreau. Sa mère secoue le store pour lui faire prendre une nouvelle forme que la noirceur rendra à nouveau menaçante, décroche la peluche suspendue à la fenêtre. Mais voyons Matty, pourquoi n’allumes-tu pas ta lumière au lieu de me réveiller? Soupire. Voilà. Essaie de dormir maintenant. Les rêves sont des rêves. Dans les yeux de sa mère, Matty lit qu’elle n’a plus l’âge des monstres.

Au cœur de l’adolescence, la peur de Matty prend les traits d’un pantin de bois qui fait tournoyer sa canne et fredonne une petite chanson qui dit qu’il la connait, je te connais, je te connais, je te connais. Quelques années plus tard, ce sera un homme allongé qui lui sourira cruellement sans ciller du regard pour la punir d’êtrevisible. Des histoires aussi courtes qu’une phrase qu’elle prononce encore moite de l’angoisse qu’elle provoque. Comme si la phrase en elle-même pouvait la menacer d’effritement. Alors qu’il n’y a rien là, un homme qui la regarde…

De ces nuits, elle garde jusqu’aux sensations tactiles et se demande sans cesse pourquoi le cerveau est ainsi fait. De laisser si peu de place à l’imaginaire la journée, de prendre un arbre pour un arbre, de commander le pied droit après le gauche, le gauche après le droit. Et puis, la nuit, de nous faire courir après des chapeaux, de nous faire jouer avec des nains, de nous empêcher de crier quand on a peur. De nous faire expérimenter la nuit ce qu’on appellerait hallucinations psychotiques si elles se produisaient à l’état d’éveil. 

29 sept. 2011

Dans la rue... Boyer, Montréal

13 août 2011

J'ai 30 ans. Je suis figé sur place. Et je n'ai plus d'image.
Ou plutôt. J'ai 30 ans. Je suis figé sur place. Et je n'ai plus de visage.

Je décortique le reflet qui devrait être moi, mais il n'a pas les épaules voutées, le long torse, les lèvres serrées que ton regard matérialisait. Alors je pense à cette image de Magritte, et me dis que s'il avait peint l'homme au chapeau après le passage de la colombe, c'aurait été moi maintenant. Un trou à la place du visage, un gros trou noir sans nez, sans bouche, sans yeux. Sans tes yeux. Pour m'assurer une existence.

11 sept. 2011

In... Hamherst av./ Viscount

27 juillet 2011


Il y a la vie qui passe.
Elle passe.
...
...

Elle continue de passer.
...

Et je la suis du regard.

Chaque soir, en rentrant de l’école, je m’assieds sur le bord de l’autoroute. Habituellement, il n’y a que des trucks. Mais là, c’est les vacances.  C’est les vacances, et dès que je ne travaille pas à la station service, je quitte en courant le village – mon village, c’est simple, une route au bout de laquelle mon père – et son père avant-lui – mon grand-père m’a raconté cent fois l’histoire de Viscount mais je suis nulle en histoire – mon père, son grand-père avant-lui, et tout le village étriqué dans l’étroitesse de nos quatre ruelles épient derrière leurs fenêtres l’éventuelle arrivée d’un conducteur attiré, depuis l’autoroute, par l’enseigne annonçant – enfin – la première station service depuis Saskatoon – Saskatoon, 200 000 habitants, 1680 km de Vancouver, et 4700 de Montréal. Une station service? Une pompe Crown 1932 à manivelle (compteur rond à aiguilles gradué en gallons), autant dire que le self-service avec paiement par carte la nuit, ça n’existe pas – une fois, une fille dans une Toyota immatriculée au Québec m’a demandé où elle pouvait « trouver un expresso dans le coin ».

Quand ma mère envoie Cynthia me chercher en vélo, c’est que j’ai dépassé les bornes. Je rentre en trainant des pieds. Ma maison, c’est un décor de théâtre, je me dis, si je passe la porte, je vais me rendre compte, que c’est juste une palissade de bois tenue par un échafaudage, et derrière, il y aura des acteurs, et des techniciens, une caisse de bière, des croutes de pizzas dans des emballages en carton gras. « Tu vas passer toute ta vie assise là-bas à r’garder les voitures? » Le bord de la grand’route, pour ma mère, ça s’appelle là-bas.

La vie qui passe. Et comme ce soir, qui s’arrête. Sous ma fenêtre. Les portes claquent. Une, deux, trois portes. Bruits d’une discussion. La station-service a fermé depuis longtemps. Ils s’étirent, le dos, les jambes, rient. Sous ma fenêtre avec ses rideaux entrouverts, comme un œil dont les paupières mi-closes mènent un combat perdu d’avances contre le sommeil.

15 août 2011

In... Burrard Street, Vancouver

17 juillet 2011

C'est une chambre ou un bureau qui ressemble à une chambre. Un bureau avec un lit dans un coin, soigneusement recouvert d'un vieux tissu vert côtelé. Un bureau avec, au centre, une table en bois sombre, une lampe à l'abat-jour jauni, un téléphone. D'épais rideaux bleu nuit recouvrent les bords des longues fenêtres qui recouvrent à leur tour le crépuscule de la rue, dès qu'il allume la pièce.

Derrière la porte, il y a un couloir qui mène à d'autres portes qui cachent le même appartement, au bout duquel il tombe sur le même bureau qui ressemble à une chambre désuète. Tout est à la bonne place, comme il aime.

C'est le même homme qui entre dans ces mêmes appartements. Il fait les mêmes gestes, dans le même ordre. D'abord les clés sur la desserte, l'inventaire du courrier, la porte du frigo, les messages sur le répondeur, la veste sur le dossier de la chaise, l'interrupteur de la lampe de chevet.

La même pause au centre de la grande fenêtre derrière laquelle passent des gens de plus en plus minuscules au fur et à mesure qu'il monte les étages, la même pause au centre d'une grande fenêtre qui superpose les mouvements des passants à sa silhouette qui desserre une cravate, le même geste, mais il ne le sait pas, le même geste sec, repris à deux reprises, mais il ne peut s'entendre d'un bureau l'autre, le même geste qui efface les tâches lumineuses disséminées sur la façade brillante du building pour que s'y imprime l'image mouvante et en temps réel d'une soirée au centre-ville.

26 juin 2011

Dans la rue... Masson, Montreal

9 mars 2011

Ça commence avec une main ankylosée, je la secoue mais les fourmis ne veulent pas tomber, c’est le matin, tu as les yeux vitreux, tu prends le volant, je garde la main dans ma poche, pour ne pas te troubler plus, et je remue les doigts cachés dans ma poche, mais ça fait pas tomber les fourmis, les fourmis montent le long de l’avant-bras, de la main au coude, du coude à l’épaule, et mon bras gauche ne bouge plus, et je te le cache. Mon bras gauche est sage, mais il n’est plus vraiment mon bras. Et mon bras droit commence à s’assagir aussi, sauf les fourmis qui courent en dedans. Les fourmis sont nerveuses, mais on ne peut pas les voir. J’ai les deux mains dans les poches, nerveuses en dedans. Mes pieds, je pourrai pas les mettre dans des poches quand les fourmis arriveront.
Les fourmis, c'est pas tout. Mon corps rétrécit. Je le sens bien. Avant tu ne voyais que moi. Maintenant, tu as beaucoup plus de place dans la voiture. Je pourrais m’étirer de tout mon long sur la banquette sans que ni ma tête ni mes pieds ne te touchent. Mes vêtements deviennent lâches. Bientôt, quand tu te tourneras pour me dire quelque chose, si ça arrive encore une fois, il n’y aura plus qu’une minuscule tâche sur le siège. C’est comme ça qu’on disparaît.

7 mai 2011

Dans la rue... Pauline Julien, Montréal

9 Mars 2011

On oublie trop souvent que le trompe l'oeil ne compte pas seulement sur la tentation de confusion qui capte le spectateur. Que ceci ne soit pas vraiment un dîner romantique. Que ce ne soit pas une bouteille de vin au centre de la table. Qu'ils ne soient pas assis l'un en face de l'autre. On l'envisage et l'admet. Mais il faudrait parler de ce que recèle de pouvoir de séduction pour les personnages du tableau l'idée de rejouer chaque soir la même scène, avec la même personne, et la tromperie qu'on s'inflige plus à soi qu'aux autres, de croire qu'on participe à une scène, de bonheur conjugal, à la scène du bonheur conjugal.

20 avr. 2011

Dans la rue... Fabre, Montréal

19 avril 2011



Le bruit des autres
On dirait qu’ils sont déjà ailleurs, les autres, les gens, dès qu’ils savent qu’ils vont partir. Tu trouves pas? Comme si c’était plus la peine. D’investir le lieu présent. C’est ce qu’elles se disent. Ça et d’autres choses. Le départ des autres. Elles parlent du mec qu’il l’a regardée, mais qu’elle a pas regardé, parce qu’y avait l’autre en face, qu’avait une gueule de dieu, qui l’a pas regardée, et même s’il ne se passe rien, entre deux parties de jeu vidéo, elles remplissent l’espace, elles sont avides, de ces micro-événements, et pourquoi faudrait-il que ce soit violent, extraordinaire, renversant. Pour que ça vaille la peine d’être dit.

****

Les infimes traces d’individualité que sème le quotidien. Elles les vivent mais n’en parlent pas. La possibilité de l’autre, de sa présence. La possibilité de sentir quelque chose que seul le quotidien laisse sourdre dans les lieux communs. Le trouble d’un visage matinal, qu’on ne commente pas, mais défroisse autour d’un expresso badin, les allées et venues nocturnes dans un couloir, qui n’augurent jamais rien de bon, un cadavre de bouteille sur une table, ou des rires. Parce que c’est aussi ça le quotidien, attraper un rire qui ne nous est pas destiné mais nous regonfle, ou les grincements aigus de celui qui chantonne sous ses écouteurs pour ne pas déranger, mais s’oublie.

****

Les autres qui bientôt partiront, et – d’épuisement – resserrent leur espace de vie, se rattachent, déjà, à ce qui restera avec eux, veulent, dans l’obsession du départ, avoir quelque chose de tangible à emporter. Les autres, qui vont partir, ont peur. Et nous aussi. Et nous aussi, au fond, on fait comme s’ils étaient déjà partis. On resserre notre petite bulle autour d’un futur tangible. Alors que le futur, dit la chanson, ça peut aussi commencer doucement.

1 avr. 2011

Dans la rue... Brebeuf, Montréal

13 mars 2011

Savoir si on va être heureux ici

Peut-être que tout a commencé sur la route, pendant qu’on enfilait les kilomètres à la recherche d'une maison dans laquelle on se sente chez nous. J’apprenais à conduire, et tu disais qu’on y survivrait, c’était comme dans la chanson, de parkings en parkings, je te disais que j’y survivrais pas, - Les heures perdues, et qu’est-ce qu’on fait?

On a quitté les aires de stationnement, c’était pas comme dans les films de bandits romantiques, Bonnie and Clyde, dans une Mazda, le diffuseur électrique au jasmin. C’étaient toujours les mêmes chansons, la route, l’autoroute, les paysages en gris et blanc, la route, j’apprenais sans plaisir, un feu, un stop, jusqu'à ce qu'on retrouve les lumières de la ville, là où je ne voulais plus du volant. L'appartement rêvé, il devenait chaque jour un peu plus gros. Il nous fallait deux bureaux. Un garage.

Moi, j’avais toujours rêvé d’accueillir mes invités avec une bibliothèque massive posée contre le mur de l’entrée. Je disais, un appartement juif, je sais pas pourquoi, j’imaginais comme ça les appartements juifs, de vieux murs comblés d'objets d’art.

Pendant que je marchais dans la ville, j’écoutais le même album, les écouteurs plantés dans les tympans, ça libérait l’imagination toujours contenue par cette attention constante que la route exige du conducteur. Pour des panneaux. Des lignes blanches. Tous ces regards perdus, en plus des heures. Pour me venger, je captais par flashs, à travers des fenêtres laissées allumées, des vies en kit que j’aurais aimé prendre à l’essai. Je voulais des plafonds hauts. Et pouvoir prendre mon café chaque matin en regardant la ville se lever comme elle. Je savais que j'y arriverais pas, mais je comprenais pas pourquoi. C'était toujours pour les autres, cette vie-là.

Tu disais qu’on y survivrait, c’était comme dans la chanson, la vie, de parkings en parkings, je te disais que j’y survivrais pas, mais c’est plus facile ici de rêver plus grand. On disait, on cherche quelque chose qui nous ressemble, ça voulait pas dire grand-chose, on prenait du poids, la vie, de plus en plus, c’est vrai, allait se dérouler en dedans, alors on pouvait bien s’éloigner, si les chambres étaient, si l’étage offrait, si le parquet brillait, si les boiseries à décaper. La maison ressemblait aux photographies des catalogues de décoration qui s’entasseraient dans un porte-revue transversal en alu fixé sur le mur des toilettes. Je disais, c'est vrai, les étoiles, on les voit mieux ici qu’en ville.

Je faisais plus de distinction entre les paroles de l’album et les petites histoires qui défilaient dans ma tête. Pourtant, j'aurais pu me contenter d'un nid, rempli d'objets trouvés, dépareillés. Mais il y avait cette route, qui me faisait sans arrêt oublier. Je croyais que tu le savais, dans la ville, j’aimais m’assoir à l’arrière des taxis, là où on peut détourner le regard des phares sans avoir à parler. Et regarder la vie des autres.

23 mars 2011

Dans la ruelle sans nom, au sud de l'avenue Mont-Royal, Montréal

20 mars 2011

C'est le commencement qui est le pire,
puis le milieu puis la fin;
à la fin, c'est la fin qui est le pire.
Beckett

Au fond, un amas phénoménal d'objets qui fut autrefois ce que j’osais encore appeler un établi, qui essaya aussi d'être un bureau, gagne presque le mur d'en face, et voudrait bien qu'on lui donne enfin la forme d'un atelier. Les vélos suspendus au plafond par de grosses chaines qui étaient là avant. La basse et les amplis. Du béton froid. Une peau de mouton synthétique Ikéa. Des cartons (ou des boites) qui pourraient être l'ébauche de multitudes d'autres vies, mais n'osent pas. Et le vieux sofa gris.
***
Dans mon garage, la lumière ne passe pas. Quand j’arrive pas à dormir, j'y descends me regarder un film. Je descends. Parce que là-haut, c’est bien trop haut, dans cette chambre, pour l’insomnie, l’insomnie, ça aussi, c’est léger, si léger que ça commence, les regards par la fenêtre, l’espoir d’une vie meilleure, une bulle, ploc.
***
Hier soir, j’ai regardé un documentaire sur deux petits vieillards fanatiques qui attendaient Élias, le sauveur, sans perdre espoir. Et si l’espoir était un autre mot pour dire déception? C’est le journaliste qui posait cette question.
***
En 1912, mon arrière grand-père, un farfelu du nom de Reichelt, s’est posté au dernier étage de la Tour Eiffel dans sa combinaison d’homme-oiseau. Il s’est élancé dans le vide, déployant ses ailes majestueuses et… est tombé comme une pierre sur 317 mètres avant de se fracasser sur le bitume en éclaboussant les curieux. Dans un sens, il a laissé son empreinte un trou de 35 cm de profondeur pour la postérité. Quant à mon père... Chez moi, les hommes meurent tous de peur avant de toucher le sol.
***
Pour ne pas faire comme mes aïeux, j’ai décidé de ne pas m’enfuir. Dans l’espoir. Et l’attente. De ne pas croire qu’il s’est passé quelque chose d’exceptionnel quand il m’est rentré dedans comme le Saint Esprit sur le pauvre monde. Ne pas attendre que ça fasse, enfin, basculer tout le reste. Ne pas imaginer que c’est lui dont je ne connais rien que ses yeux bleus. Ne pas fendre l’espace de la rencontre de possibles à venir. Ne rien projeter dans les silences de l'événement. Ne pas prétendre qu’il s’agit d’un événement. Ne pas rêver sa peau les yeux ouverts. Ne pas me désinteresser de tous les autres hommes qui ne sont pas lui que je ne connais pas. Ne pas cesser de vivre ma vie. Ne rien changer. Surtout pas mon itinéraire quotidien dans l’espoir de retomber sur lui par un heureux hasard. Ne pas se dire que la vie l’a mis sur ma route. Qu’elle pourrait vouloir encore m’y confronter. Qu’il y a des gens qu’on ne cesse de croiser par hasard. Alors que d’autres disparaissent.
***
À la page 234 de son carnet, mon grand-père a rencontré la lumière divine: Les détonations des grenades, depuis, résonnent d’un silence éternel… Puis il a marché sur une mine, et s’est dissous dans l’atmosphère aussi silencieusement qu’il s’était fondu dans une morne existence de son vivant. Il est mort, laissant derrière lui, une femme et des enfants qu’il n’a pas su aimer, et au-devant, à jamais désirée, jamais goûtée, la vie qui vous brûle par les deux bouts jusqu’à ce que vous partiez en fumée en irradiant les siècles à venir.

18 mars 2011

Dans la rue... Garnier, Montréal

 9 mars 2011
Appeler le plombier. Racheter du lait. Jeter un coup d’œil au travail d’Antoine. Ramener les vidéos que nous n’avons jamais le temps de regarder. Passer à la pharmacie. Consulter les messages sur le répondeur.

Assise dans le noir, elle dresse un portrait mental des journées qui défilent, toutes différentes dans leur détail. Toutes identiques pourtant, la somme de menus gestes qui ne créent rien, ne laissent pas de trace.

La régularité du souffle qui sort du canapé lui confirme qu’il s’est assoupi. Elle est inquiète. Elle s’est toujours sentie menacée par les bruits nocturnes des maisons, l’eau gargouillant dans les tuyaux des radiateurs, la ponctuation nerveuse du tic tac de l’horloge, le ronronnement de l’ordinateur, les souris dans les murs, les fissures au plafond.

Les photos dans les cadres.

Elle crache une nouvelle gerbe de fumée. Toux de l’autre. Elle secoue l’air de la main, comme une ado coupable. La souris interrompt sa plainte dans la penderie. Le silence est presque total pendant quelques secondes et vlouf, l’eau dans le radiateur qui refait sa tournée. Elle est persuadée qu’il lui manque quelque chose de gros, un truc qu’aurait un lien direct avec sa vie. Qu’il faut qu’elle s’en occupe maintenant, avant qu’il soit trop tard. Mais qu’est-ce que tout cela peut bien vouloir dire?

Faire de la soupe. Laver le plancher. Rempoter le lierre. Réparer la poignée de la porte d’entrée. Cirer les meubles. Acheter la carte mensuelle de métro. Changer l’ampoule de la salle à manger

8 mars 2011

Dans la rue... Généreux, Montréal

24 fevrier 2011
À ceux qui partent
Les lieux communs du quotidien. C’est lourd. Mais ça dit ce que ça dit. Ces espaces qui reposent sur des conventions pour qu’on puisse y habiter à plusieurs. Rien à voir avec le cliché, qui, par la fugacité de son irruption – clic –, rappelle que cette communion a toujours une fin trop précoce.
Les bruits. Lourds aussi. Il y a le bruit des verres qu’on sort du rack, ceux qu’on range à leur place. Le grincement de la porte battante. Les dernières commandes de la soirée qu’on gueule à la cuisine pour économiser quelques pas. Le bruit d’un travail encore tendu vers l’excitation, mais plus vers l’urgence. Dans la salle, le bourdonnement d’une discussion qui semble figée de table en table, de soir en soir. On commence parfois par la politique ou le cinéma pour se donner le change. Mais on passe vite au seul sujet qui vaille la peine du bruit qu’on fait et qu’on endure, moi, moi, moi… parce que moi… comme je dis… moi… moi et l’autre… qu’a appelé… pas rappelé… qu’a changé de photo sur son profil… qu’est lâche… qu’est beau… qu’a laissé un message sibyllin sur un écran qui ne le supporte pas… le lundi… le mardi, il a écrit… le mercredi… le jeudi… après ça… après ça, il m’a quitté.
L’absence. De l’autre. Lui et sa grâce sans fausse note. Dont il reste si peu déjà. Le manque. Quelque chose de béant. Qui était trop étourdissant en sa présence. La porte battante. Les derniers clients… moi… l’autre… je vais voir son profil… pas maladivement… mais souvent… S’il est parti, ce n’est pas parce que je n’ai pas pu le retenir. C’est ma seule consolation. S’il est parti, ce n’est pas malgré moi. Il gèle dehors. La neige. C’est l’hiver qui s’étire. Les rues Gilford. Bordeaux. Clark. Garnier. Ne sont qu’un seul et même couloir qui mène de la maison au travail, du travail au métro. D’une solitude à l'autre, saturée.
Son raffinement… qu’il avait envie de briser, parfois, faire quelque chose de lourd, de vulgaire, pour lasser la beauté, pour se sentir enfin aimé, tout au fond. Les chaises qu’on tire. Je ne les entends plus. Que les pas feutrés des passants qui préfèrent le risque des ruelles enneigées à l’accès morne des rues principales. Le manque. C’est peut-être de l’amour. C’est peut-être du désir. Ou l’envie d’une légèreté que je ne peux effleurer sans lui parce que je ne suis pas quelqu’un d’autre.
Vaisselle sale. Bouteilles vides. Poubelles. Le manque et la saturation. J'aurais pu lui dire, reste. Reste, on peut vivre à deux sur mon salaire. Les derniers rires s’échappent dans la rue. On cherche la compagnie des autres pour remplir quelque chose. Beaucoup d’accumulation. Beaucoup de complaisance. Beaucoup de bruit. Mais, au fond, il n’y a plus rien qui nous remue.
Pourtant, oui, pourtant, on finira bien par être heureux quelque part. Dans un État médium. Au lieu de passer d’un absolu l’autre. Peut-être, sa délicatesse finira par rompre, et notre peur de l’insignifiance, dans ce pays de porcelaine.

1 mars 2011

Dans la rue Clark, Montréal

 14 fevrier 2011
Le lent délabrement du quotidien
Il y a quelque chose qui cloche. La liste des tâches à accomplir peut bien attendre un jour de plus. Quelque chose cloche et ce n’est pas «le lent délabrement du quotidien». Cette menace-là est bien derrière. Et pourtant. Elle courbe l’échine, retient son souffle. Elle sait bien. Ça va s’abattre d’un coup. Pourtant.

Pourtant, c’est un bel appartement, lumineux, juste pour elle. Pourtant, il y a des bars et des bouteilles de vin à portée de bras. Des rires alcoolisés qui remontent jusqu’à sa fenêtre. Une forme d’espérance dans le sourire du voisin. Un bureau séparé de la chambre. De l’espace. Pour respirer. Mais elle ne respire pas. Elle ne cuisine pas. Elle n’écoute pas de musique à tue tête en dansant devant la glace. Elle n’écrit pas. Ne dessine pas. N’avance sur aucun de ses projets qu’elle croyait enfin pouvoir faire entrer dans sa vie après avoir fait sortir l’autre. Elle ne lit même pas.

Elle se dit que ça pourrait céder à n’importe quel moment. Maintenant. Ou là. Là encore. Là. Mais ça ne cède pas pour l’instant. Cette nuit, elle a rêvé de Dantec. Ou plutôt, elle a rêvé qu’un invité, qu’elle avait tant attendu, finissait par sonner à son interphone. Mais il n’arrivait jamais jusqu’à sa porte. Elle sortait sur le palier. Sur les marches du long escalier en colimaçon, comme on en voit dans les vieux appartements parisiens, elle pouvait voir le long manteau noir de son invité qui frottait le sol, mais pas son visage. «Je peux vous aider?». Mais il ne répondait pas. Il aurait fallu qu’il s’en aille, elle le sentait, qu’il s’en aille avant qu’il ne lui arrive quelque chose de funeste. Mais il était entré dans le bureau de Dantec. S’asseyait en face de l'autre sur un fauteuil en cuir, sans s'apercevoir que sur cette chaise gisait déjà un écrivain mort. Et elle, c’est le moment le plus troublant, partageait, et l’effroi de son visiteur s’enfonçant dans le corps mou, et la satisfaction morbide de Dantec, et l’angoisse d’assister impuissante à la scène. Elle ne s’est pas rendormie avant longtemps. Ça résonnait comme l’avertissement de quelque chose de grave, je ne sais pas, la nuit, les peurs prennent des tournures terriblement menaçantes. Mais ce n’était pas comme n’importe quel cauchemar.

Elle se replie sur le sofa. Ça commence à faire mal. Tous ces efforts pour ne pas faire d’erreur. Pour que ça ne tombe pas. Que ça ne soit pas vain. Pour qu’il reste quelque chose. Autre que des ruines. Elle se dit, il y a le lent délabrement du quotidien, oui, et puis, il y a d’autres formes de chutes. Qu’elle va mettre sa vie en sac pour la protéger de l’usure du temps. Qu’elle va rester assise là. Il est bien ce canapé. Il est confortable aussi.

C’est bien aussi.

Finalement.

Ce confort-là.