24 nov. 2012

Dans la rue... St-Dominique, Montréal

27 septembre 2012


Dans la bibliothèque, les livres sont rangés par éditeur (Gallimard, Quartanier, Minuit, Flammarion, Seuil, Heliotrope), collections (Blanche, Essais, Poche, Imaginaires), couleur, taille et ordre alphabétique des auteurs. C'est propre, et net.

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Autour, il cherche tant bien que mal la place juste pour chaque bricole inutile qu'impose la vie collective. Si bien que le salon prend de plus en plus des airs d'installation, à force d'assembler les objets par taille, couleur, thème.

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Depuis tout à l'heure, il essaie de se concentrer sur La Nausée de Sartre, mais bute sur les traces que d'autres lecteurs ont laissées au crayon de papier sur les pages du bouquin.

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«Je sais que je ne rencontrerais plus jamais rien ni personne qui m'inspire de la passion. Tu sais, pour se mettre à aimer quelqu'un, c'est une entreprise. Il faut avoir une énergie, une générosité, un aveuglement... Il y a même un moment, tout au début, où il faut sauter par-dessus un précipice ; si on réfléchit, on ne le fait pas.»

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Alors il repose le livre ouvert à l'envers sur ses cuisses.

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Le geste qu'elle a posé tout à l'heure au restaurant, et répété, comme une bravade, jusqu'à ce que le bol soit vide. De plonger sa main délicate dans la sauce au vin blanc pour attraper une moule juteuse que sa langue, chaque fois, a adroitement débusquée à peine le coquillage touchait ses lèvres.

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«Ça insiste», dit Sartre. Il parle de la mauvaise foi, certes, mais la laideur de certains gestes, «ça insiste» aussi, jusqu'à éclabousser tous les autres qu'on avait jusque là jugés parfaits. Sartre manifestait une horreur fascinée pour les corps.

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Il a eu tord de croire que la perfection des moments partagés pourrait servir de liant autour d’un amour enfin inconditionnel. Puisqu'il suffit d’un geste, déplaisant, inattendu, mesquin ou ridicule, pour que tous les autres souvenirs soient avalés, immédiatement, entassés dans quelque chose qui se refusera désormais à toute consultation ultérieure.

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Dans son salon, il n'y a pas de télé. Il n'y a pas de plantes. Quand il lit, il écoute des musiques qu'il comprend si parfaitement qu'il pourrait les traduire en équations, alors qu'au fond, tout ce qu'il voudrait, c'est être encore capable d'être ému par une chanson populaire.

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