8 mai 2012

Dans la rue... St-Denis, Montréal

19 avril 2012




Andrea, la voisine du premier, ne s’intéresse pas à moi. Ça ne m’empêche pas de me précipiter chaque matin dans sa cuisine aux premiers sifflements de la cafetière pour cueillir sur son visage cet instant fugace pendant lequel, je le jurerais, elle est totalement elle-même.

Elle ne danse pas, ne sourit pas, n’a rien à dire. Elle n’a pas l’air fatiguée. Ni plus vieille, ni plus triste que lorsque je la croise plus tard. Elle a l’air… passée. Un film en noir et blanc, que José, son copain, se chargera de colorer pendant le reste de la journée. Elle sort la confiture, qu’elle verse dans un petit ramequin avant de le déposer sur la table, ses gestes sont automatiques, son regard lasse me fait l’effet d’une gorgée de rhum, et je me répéte en boucle jusqu’à ce que la phrase, je l’espère, soit expulsée d’elle-même un jour à force de tournoyer en moi, que ses lèvres doivent avoir la même fraîcheur que cette confiture dégoulinant sur mes doigts. 

Elle n’est pas maquillée, elle n’est pas parfumée, elle a la peau grise, elle n’est pas drôle, elle n’essaie pas de l’être, n’a pas de conversation, ses gestes sont sans affèterie, nus, secs, je me sens de plus en plus plus proche d’elle, jusqu’à ce que le claquement de la porte annonce l’arrivée de José. Tape sur l’épaule, bousculade. Il m’ébouriffe les cheveux, « Ah, toi », qu’il rigolle tout simplement, puis il va s’asseoir en glissant une main sur les fesses d’Andréa qui finit par se marrer aussi.

Avec José, elle forme un couple parfait.

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