24 mai 2011 |
D’aussi loin qu’elle se souvienne, elle a toujours eu peur la nuit. Peur des formes indéfinies dans sa chambre. Peur des ronflements des voisins qu’elle prend pour des monstres en colère. Ses nuits sont un théâtre baroque qui rejoue, depuis l’enfance, la même scène. Seuls les personnages changent. Les premiers rêves dont elle se souvient sont peuplés d’animaux. Le plus fréquent : celui des ours qui tentent de glisser leur patte sous la porte de sa chambre. Elle préférerait des visages déformés, des fous qui la poursuivent, des couteaux, des rêves sans queue ni tête qu’on ne parvient pas à raconter une fois qu’on en sort. Mais elle rêve de scènes qui ne font peur qu’à elle.
Quelques années plus tard, ses tyrans prennent la forme nouvelle de têtes de bêtes suspendues à des cordes à linge devant la fenêtre de sa chambre. Matty étouffe des larmes d’angoisse pour ne pas réveiller sa mère. Quand la nuit ne veut pas passer, elle laisse ses geignements s’amplifier jusqu’à ce qu’enfin les ronflements s’éteignent et qu’elle aperçoive une lumière qui s’éveille au fond du couloir. Vient alors l’épreuve de l’explication. Matty ne peut pas parler de son rêve qui menace quelque chose en elle qu’elle ne comprend pas. Elle invoque les yeux du monstre dans les ombres du rideau, l’animal qui frappe, frappe, frappe à son carreau. Sa mère secoue le store pour lui faire prendre une nouvelle forme que la noirceur rendra à nouveau menaçante, décroche la peluche suspendue à la fenêtre. Mais voyons Matty, pourquoi n’allumes-tu pas ta lumière au lieu de me réveiller? Soupire. Voilà. Essaie de dormir maintenant. Les rêves sont des rêves. Dans les yeux de sa mère, Matty lit qu’elle n’a plus l’âge des monstres.
Au cœur de l’adolescence, la peur de Matty prend les traits d’un pantin de bois qui fait tournoyer sa canne et fredonne une petite chanson qui dit qu’il la connait, je te connais, je te connais, je te connais. Quelques années plus tard, ce sera un homme allongé qui lui sourira cruellement sans ciller du regard pour la punir d’êtrevisible. Des histoires aussi courtes qu’une phrase qu’elle prononce encore moite de l’angoisse qu’elle provoque. Comme si la phrase en elle-même pouvait la menacer d’effritement. Alors qu’il n’y a rien là, un homme qui la regarde…
De ces nuits, elle garde jusqu’aux sensations tactiles et se demande sans cesse pourquoi le cerveau est ainsi fait. De laisser si peu de place à l’imaginaire la journée, de prendre un arbre pour un arbre, de commander le pied droit après le gauche, le gauche après le droit. Et puis, la nuit, de nous faire courir après des chapeaux, de nous faire jouer avec des nains, de nous empêcher de crier quand on a peur. De nous faire expérimenter la nuit ce qu’on appellerait hallucinations psychotiques si elles se produisaient à l’état d’éveil.
Quelques années plus tard, ses tyrans prennent la forme nouvelle de têtes de bêtes suspendues à des cordes à linge devant la fenêtre de sa chambre. Matty étouffe des larmes d’angoisse pour ne pas réveiller sa mère. Quand la nuit ne veut pas passer, elle laisse ses geignements s’amplifier jusqu’à ce qu’enfin les ronflements s’éteignent et qu’elle aperçoive une lumière qui s’éveille au fond du couloir. Vient alors l’épreuve de l’explication. Matty ne peut pas parler de son rêve qui menace quelque chose en elle qu’elle ne comprend pas. Elle invoque les yeux du monstre dans les ombres du rideau, l’animal qui frappe, frappe, frappe à son carreau. Sa mère secoue le store pour lui faire prendre une nouvelle forme que la noirceur rendra à nouveau menaçante, décroche la peluche suspendue à la fenêtre. Mais voyons Matty, pourquoi n’allumes-tu pas ta lumière au lieu de me réveiller? Soupire. Voilà. Essaie de dormir maintenant. Les rêves sont des rêves. Dans les yeux de sa mère, Matty lit qu’elle n’a plus l’âge des monstres.
Au cœur de l’adolescence, la peur de Matty prend les traits d’un pantin de bois qui fait tournoyer sa canne et fredonne une petite chanson qui dit qu’il la connait, je te connais, je te connais, je te connais. Quelques années plus tard, ce sera un homme allongé qui lui sourira cruellement sans ciller du regard pour la punir d’êtrevisible. Des histoires aussi courtes qu’une phrase qu’elle prononce encore moite de l’angoisse qu’elle provoque. Comme si la phrase en elle-même pouvait la menacer d’effritement. Alors qu’il n’y a rien là, un homme qui la regarde…
De ces nuits, elle garde jusqu’aux sensations tactiles et se demande sans cesse pourquoi le cerveau est ainsi fait. De laisser si peu de place à l’imaginaire la journée, de prendre un arbre pour un arbre, de commander le pied droit après le gauche, le gauche après le droit. Et puis, la nuit, de nous faire courir après des chapeaux, de nous faire jouer avec des nains, de nous empêcher de crier quand on a peur. De nous faire expérimenter la nuit ce qu’on appellerait hallucinations psychotiques si elles se produisaient à l’état d’éveil.
C'est quand la nouvelle photo?
RépondreSupprimerQuand je pense que tu vas bientôt nous créer une petite ambiance musicalo-textuelle pour enrober le tout...
RépondreSupprimerfreaky avec la musique
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