27 juillet 2011 |
Il y a la vie qui passe.
Elle passe.
...
...
Elle continue de passer.
...
Et je la suis du regard.
Chaque soir, en rentrant de l’école, je m’assieds sur le bord de l’autoroute. Habituellement, il n’y a que des trucks. Mais là, c’est les vacances. C’est les vacances, et dès que je ne travaille pas à la station service, je quitte en courant le village – mon village, c’est simple, une route au bout de laquelle mon père – et son père avant-lui – mon grand-père m’a raconté cent fois l’histoire de Viscount mais je suis nulle en histoire – mon père, son grand-père avant-lui, et tout le village étriqué dans l’étroitesse de nos quatre ruelles épient derrière leurs fenêtres l’éventuelle arrivée d’un conducteur attiré, depuis l’autoroute, par l’enseigne annonçant – enfin – la première station service depuis Saskatoon – Saskatoon, 200 000 habitants, 1680 km de Vancouver, et 4700 de Montréal. Une station service? Une pompe Crown 1932 à manivelle (compteur rond à aiguilles gradué en gallons), autant dire que le self-service avec paiement par carte la nuit, ça n’existe pas – une fois, une fille dans une Toyota immatriculée au Québec m’a demandé où elle pouvait « trouver un expresso dans le coin ».
Quand ma mère envoie Cynthia me chercher en vélo, c’est que j’ai dépassé les bornes. Je rentre en trainant des pieds. Ma maison, c’est un décor de théâtre, je me dis, si je passe la porte, je vais me rendre compte, que c’est juste une palissade de bois tenue par un échafaudage, et derrière, il y aura des acteurs, et des techniciens, une caisse de bière, des croutes de pizzas dans des emballages en carton gras. « Tu vas passer toute ta vie assise là-bas à r’garder les voitures? » Le bord de la grand’route, pour ma mère, ça s’appelle là-bas.
La vie qui passe. Et comme ce soir, qui s’arrête. Sous ma fenêtre. Les portes claquent. Une, deux, trois portes. Bruits d’une discussion. La station-service a fermé depuis longtemps. Ils s’étirent, le dos, les jambes, rient. Sous ma fenêtre avec ses rideaux entrouverts, comme un œil dont les paupières mi-closes mènent un combat perdu d’avances contre le sommeil.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire