9 septembre 2011 |
[Je préférais ne prendre rien à prendre une chose imparfaite.
Louis Aragon]
[Elles attendent le Prince Charmant, ce concept publicitaire débile qui fabrique des futures vieilles filles, des aigries en quête d'absolu, alors que seul un homme imparfait peut les rendre heureuses.
Frédéric Beigbeder]
- Moi, j'veux un homme parfait.
J'ai lâché ça comme une cuillère dans un bol de soupe chaude, coupant net la conversation onomatopathétique de Mathilde avec son téléphone, ou plutôt avec le mec du moment qui, rendons-lui au moins ça, a la capacité de taper avec précision et sans fautes d'orthographe une suite de lettres («loooool» ou encore «ouuinnnn») sur un clavier minuscule.
- Mettons que ça existe, que t'en aies un qui débarque là dans la cour, qu'est-ce que tu ferais de lui? Tu le reconnaitrais comment?
- Je sais pas, il serait... peut-être... au-dessus.
- Au-dessus de quoi? Du portail? Dans une tunique d'ange, avec une aura de lumière autour de lui, ah ah?
Je répète simplement «au-dessus» en retombant sur le dossier de ma chaise, et je pense à l'hexagramme chinois de la contemplation - le Kouan -, à la manière dont j'avais été impressionnée en trouvant dans mes présages cette carte qui parle de la puissance du souverain quand il est en haut de sa tour, à part, mais au courant de tout, et regardé par tous.
- Peut-être qu'il parlerait juste quand il faut, tu comprends?
- Nan, nan, j'essaie, mais je te comprends pas. T'as toujours ton jeu de tarot?
- Tu vas pas recommencer? Franchement....
Bon. Disons qu'il pourrait y avoir des catégories socioprofessionnelles d'homme parfait. Le psychanalyste. L'écrivain. Le professeur de Kung Fu. Mais attention aux faux amis, comme l'avocat et le médecin.
- Ah ouais, qu'elle hurle depuis la cuisine, je comprends. En fait, tu veux un mec qui aies les couilles de te coller contre un mur pour te baiser. Mais t'es tellement coincée que tu veux qu'il te baise juste avec des mots.
Je tourne la tête vers le jardin des voisins, pour échanger un petit sourire d'excuses avec Nicolas, propriétaire, marié, un enfant, le second dans l'année, attaché à la cuisson de la viande sur son barbecue.
- ....
- Tiens, prends trois cartes.
- Tu m'emmerdes avec ta magie.
Et pendant que je dépose sur la table, à visage découvert, les pans enfouis de ma psyche, elle glousse et se tape les mains en répétant «c'est pas croyable!».
- C'est pas croyable!
- Bon, t'as trouvé où il se cache mon putain d'homme parfait?
- Tiens, le chariot, tu vois, c'est la carte de la royauté...
Je pense .... à la carte du Kouan qui parlait de la puissance du souverain quand il est en haut de sa tour....
- Elle symbolise la maitrise des émotions et des instincts. Ensuite, le 8, c'est la perfection féminine...
À un visage de poupée de porcelaine, dont les grands cils s'ouvrent et se ferment docilement quand on incline sa tête.
- Et la carte de la Lune, c'est le côté obscur de l'inconscient, les obsessions...
À un masque figé, impénétrable...
- La personne qui tire la carte de la lune ne peut rien construire de solide, elle est plongée dans la projection de son imaginaire.
À quelque chose d'invulnérable.
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