19 avril 2011 |
Le bruit des autres
On dirait qu’ils sont déjà ailleurs, les autres, les gens, dès qu’ils savent qu’ils vont partir. Tu trouves pas? Comme si c’était plus la peine. D’investir le lieu présent. C’est ce qu’elles se disent. Ça et d’autres choses. Le départ des autres. Elles parlent du mec qu’il l’a regardée, mais qu’elle a pas regardé, parce qu’y avait l’autre en face, qu’avait une gueule de dieu, qui l’a pas regardée, et même s’il ne se passe rien, entre deux parties de jeu vidéo, elles remplissent l’espace, elles sont avides, de ces micro-événements, et pourquoi faudrait-il que ce soit violent, extraordinaire, renversant. Pour que ça vaille la peine d’être dit.
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Les infimes traces d’individualité que sème le quotidien. Elles les vivent mais n’en parlent pas. La possibilité de l’autre, de sa présence. La possibilité de sentir quelque chose que seul le quotidien laisse sourdre dans les lieux communs. Le trouble d’un visage matinal, qu’on ne commente pas, mais défroisse autour d’un expresso badin, les allées et venues nocturnes dans un couloir, qui n’augurent jamais rien de bon, un cadavre de bouteille sur une table, ou des rires. Parce que c’est aussi ça le quotidien, attraper un rire qui ne nous est pas destiné mais nous regonfle, ou les grincements aigus de celui qui chantonne sous ses écouteurs pour ne pas déranger, mais s’oublie.
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Les autres qui bientôt partiront, et – d’épuisement – resserrent leur espace de vie, se rattachent, déjà, à ce qui restera avec eux, veulent, dans l’obsession du départ, avoir quelque chose de tangible à emporter. Les autres, qui vont partir, ont peur. Et nous aussi. Et nous aussi, au fond, on fait comme s’ils étaient déjà partis. On resserre notre petite bulle autour d’un futur tangible. Alors que le futur, dit la chanson, ça peut aussi commencer doucement.
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