29 septembre 2017 |
L'autopsie du quotidien
Textes d'Andréa Henter & Photos de Gwendolina Genest
22 oct. 2017
8 nov. 2016
Dans la rue... Alma, Montréal
7 novembre 2016 |
7 juil. 2015
Dans... une ruelle du Mile-End, Montréal
22 novembre 2014 |
Il trouve son équilibre dans les gestes répétitifs. Le téléphone que l'on pose le soir sur sa table de nuit après avoir vérifié que le réveil était enclenché à la bonne heure. Les bouchons qu'on s'enfonce dans les oreilles juste avant d'éteindre la lumière. L'alarme qui sonne et qu'on éteint vite pour ne pas réveiller l'autre. Le café bu lentement, seul moment lent de la journée, il s'assoit, il ralentit le mouvement de son bras qui mène la tasse de la table à sa bouche, et vice versa, jusqu'au point où il n'est plus possible à l'oeil nu de percevoir le moindre mouvement. Un peu comme ces horloges dont les aiguilles ne sautent pas brutalement d'une minute à une autre, mais glissent sur le cadran de manière monotone et imperceptible, si bien qu'à la fin d'une soirée avec elle on se demande comment on a pu s'épuiser sans qu'on ne s'aperçoive de rien. Elle lui a dit : il y a des gestes qu'on connaît tellement qu'il faut les désapprendre. Sortir une poêle, battre des oeufs, découper des légumes, servir quelqu'un n'a plus rien d'autre à nous dire que merci, l'embrasser avant de s'endormir. Ce sont des gestes qu'on enfile comme de vieux vêtements. Et alors on est pris dans les gestes des autres, des gestes qui appartiennent à des ancêtres, à une culture, un genre, un milieu social, à une profession, un statut. Et que le seul moyen d'y échapper, c'est de quitter cette pièce, laisser-là ce qu'on y faisait, enfiler son manteau, ses chaussures, revenir sur ses pas, mettre de la musique dans le salon, puis passer la porte et ne plus s'arrêter. Il lui dit : ne t'inquiète pas, tout va bien.
1 juil. 2015
Dans la rue... McGill, Montréal
18 mai 2013 |
Elle parle très, très vite. Et très, très fort. Elle interrompt le flot de l'autre avec des «hein, hein», des «ouais». Elle ne supporte tellement pas le silence qu'elle serait prête à dire n'importe quoi ; et elle le fait. Elle parle sans arrêt. Elle dit - parce qu'elle vient de rater sa bouche avec son verre - que sa bouche n'est pas étanche. Et ça la fait rire. Elle dit «Ah bon», quand il lui fait remarquer que c'est une phrase de film. Elle l'avait piquée à une fille qui avait fait sensation dans une autre soirée. Il lui répète : « tu es horrible ». Ça pourrait être une expression laudative.
5 mars 2015
1 févr. 2015
Dans la rue... Beaubien, Montréal
3 janv. 2015
Dans la rue... Des Carrières, Montréal
15 mars 2014 |
Ici, les hivers grugent l'envie et la tendresse. On superpose tant de vêtements que ça devient difficile de courir, de marcher, de se saluer. Les corps contraints sous les vêtements se meuvent sans amplitude, comme s'ils étaient pris dans la glace. Et bientôt, on n'est même plus capable de tendre le bras vers l'autre, sauf pour un geste brusque, une bousculade.
Quand on rentre chez soi, il faut s'ébrouer, se débarrasser des flocons de neige qui se sont infiltrés, la couche de givre formée là où la bouche et le nez ont lutté contre dehors, cogner les bottes l'une contre l'autre pour faire tomber la neige et tous ces petits cailloux auxquels on s'accroche pour ne pas glisser – mais dans quoi? -, monter la température des radiateurs, remplir la casserole de lait, le verser, fumant, dans un bol, ajouter deux cuillères de cacao, le boire à grosses lapées pour faire partir les marques sur la peau laissées par les épaisses pelisses et qui isolent encore de la vie des autres le corps raidi de froid.
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